21 mai 2023

Ivresse d'oiseaux - une recherche sur les origines animales de la musique. (2/)

Journal de bord de résidence : le silbo entre tradition et post-modernité.

En octobre 2021, j’ai consacré 4 semaines à enquêter sur le silbo gomero avec l’aide généreuse et enthousiaste de silbadores (nom donné aux personnes qui pratiquent le silbo gomero) de La Gomera et de Tenerife. J’ai ainsi pu échanger avec Rogelio Botanz, Antonio Nuevo, Silvia torres, Francisco Correa, Eugenio Darias, Judian et Eladio, Je les remercie chaleureusement de leur ouverture et du temps qu’ils ont accepté de consacrer à cette enquête artistique pistant les liens entre le silbo, la langue sifflée des îles canaries, et les chants d’oiseau. Je vais partager dans la suite de cet article leurs témoignages oraux parlés et sifflés.

Rogelio Botanz en concert (2018)

La première personne que je rencontre est l’auteur compositeur Rogelio Botanz. D’origine basque espagnole, il vit depuis plus de quarante ans aux canaries et témoigne d’une passion communicative pour le silbo. Notre première rencontre se déroule dans la partie historique de San Cristobal de La Laguna, classée au titre du Patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO.

Cathedrale de San Cristobal de la Laguna.

Peut-être sous l’influence de ce lieu historique, la conversation porte rapidement sur les questions d’héritage et de renaissance du silbo. Rogelio me dresse un rapide historique de la situation : le silbo était sur le point de disparaître à la fin des années 90. Associé à un mode de vie rural, il était délaissé par les populations locales qui épousaient la modernité en déménageant dans les villes côtières. Le silbo n’était alors plus pratiqué que par quelques anciens, et était voué à s’éteindre avec eux. Il y a alors eu une prise de conscience collective, relayée par quelques personnalités politiques, pour défendre l’héritage du silbo.

classe de silbo (2008). source : site du gouvernement canarien

Depuis 1999, le silbo gomero fait partie des matières obligatoires enseignées dans toutes les écoles de l’ile de la Gomera. Inscrit au patrimoine mondial immatériel de l’humanité depuis 2009, le silbo jouit à présent d’une certaine visibilité médiatique, et différentes écoles de pensée s’affrontent avec passion pour définir la politique de la conservation du silbo. Rogelio, pour sa part, insiste sur la nécessité de maintenir cette tradition vivante, il serait paradoxal de chercher à muséifier une langue qui n’a jamais été figée et dont il existe autant de déclinaisons que de siffleurs.

Photographies de silbadores, extraits du manuel d'enseignement du silbo

Si un manuel d’enseignement du silbo a été édité par le gouvernement canarien, l’enseignement du silbo s’inscrit pour l’essentiel dans une tradition de transmission orale. Tous les silbadores que j’ai rencontrés s’accordent sur l’importance de leur maître de silbo, qui leur a transmis, au-delà d’une simple technique de sifflement, une culture – quasiment une philosophie de vie - en lien avec des traditions rurales pour la plupart disparues. Le choix d’un maître de silbo les a inscrits de fait dans une certaine lignée, dont ils se sentent ensuite les dépositaires, tout en ayant la possibilité d’enrichir leur pratique du silbo par leur style personnel.

Statue de Añaterve, chef guanche, faisant partie des neuf statues de rois préhispaniques situées sur la Plaza de la Patrona de Canarias, à Candelaria, Ténérife. Source : wikipedia

Les enjeux de conservation de la pratique ancestrale du silbo dépassent le cadre des canaries. En effet, il existe des langues sifflées dans bien d’autres régions du monde. On remarque qu’en occident toutes les langues sifflées se sont développées dans des contextes similaires : des modes de vie traditionnels (agriculture, élevage, chasse) en milieu montagneux. Tous ces modes de vie ont souffert de l’exode rural de la deuxième moitié du XXe siècle et de l’attrait de la modernité. La promotion du silbo n’est pas simplement importante pour les canariens, cette langue sifflée témoigne de modes de vie et de traditions aujourd’hui menacées, si ce n’est disparues. Certains historiens pensent même que le silbo était originellement pratiqué par les guanches, les populations indigènes des iles canaries, probablement d’origine berbères (https://fr.wikipedia.org/wiki/Guanches). Ils furent assimilés par les colons espagnols à partir du XVe siècle, et le silbo serait ainsi une des rares traces de leur culture disparue.

Diario de residencia: el silbo entre la tradición y la posmodernidad.

En octubre de 2021, pasé 4 semanas investigando el silbo gomero con la generosa y entusiasta ayuda de silbadores (nombre que reciben las personas que practican el silbo gomero) de La Gomera y Tenerife. Pude conversar con Rogelio Botanz, Antonio Nuevo, Silvia Torres, Francisco Correa, Eugenio Darias, Judian y Eladio, a quienes agradezco calurosamente su apertura y el tiempo que accedieron a dedicar a esta investigación artística sobre los vínculos entre el silbo, el lenguaje silbado de Canarias, y el canto de los pájaros. A continuación compartiré sus testimonios orales hablados y silbados.

/// Rogelio Botanz en concierto (2018)

La primera persona que conozco es el cantautor Rogelio Botanz. De origen vasco español, lleva más de cuarenta años viviendo en Canarias y tiene una pasión contagiosa por el silbo. Nuestro primer encuentro tiene lugar en el casco histórico de San Cristóbal de La Laguna, declarado Patrimonio de la Humanidad por la UNESCO.

/// Catedral de San Cristóbal de La Laguna.

Quizás influenciados por este lugar histórico, la conversación gira rápidamente hacia cuestiones de patrimonio y el renacimiento del silbo. Rogelio me hace una rápida historia de la situación: el silbo estuvo a punto de extinguirse a finales de los años noventa. Asociado a un modo de vida rural, estaba siendo abandonado por la población local, que abrazaba la modernidad trasladándose a las ciudades costeras. Entonces, el silbo sólo lo practicaban unos pocos ancianos y estaba destinado a extinguirse con ellos. Surgió entonces una conciencia colectiva, transmitida por algunas personalidades políticas, para defender el patrimonio del silbo.

/// Clase de silbo (2008). fuente: página web del Gobierno de Canarias

Desde 1999, el silbo gomero forma parte de las asignaturas obligatorias que se imparten en todos los colegios de la isla de La Gomera. Catalogado como Patrimonio de la Humanidad desde 2009, el silbo goza ahora de cierta visibilidad mediática, y diferentes corrientes de pensamiento se enfrentan apasionadamente para definir la política de conservación del silbo. Rogelio, por su parte, insiste en la necesidad de mantener viva esta tradición; sería paradójico pretender musealizar un lenguaje que nunca ha sido estático y del que existen tantas variantes como silbadores.

/// Fotografías de silbadores, extractos del manual de enseñanza del silbo

Aunque el Gobierno canario ha publicado un manual de enseñanza del silbo, la enseñanza del silbo se basa esencialmente en una tradición oral. Todos los silbadores que conocí coinciden en la importancia de su maestro de silbo, que les transmitió, más allá de una simple técnica de silbo, una cultura -casi una filosofía de vida- ligada a tradiciones rurales en su mayoría desaparecidas. La elección de un maestro de silbo les inscribe de facto en un determinado linaje, del que se sienten guardianes, al tiempo que tienen la posibilidad de enriquecer su práctica del silbo con su estilo personal.

/// Estatua de Añaterve, jefe guanche, una de las nueve estatuas de reyes prehispánicos situadas en la Plaza de la Patrona de Canarias, en Candelaria, Tenerife. Fuente: wikipedia

La conservación de la práctica ancestral del silbo va más allá de las Islas Canarias. De hecho, existen lenguas silbadas en muchas otras regiones del mundo. Observamos que en Occidente todas las lenguas silbadas se han desarrollado en contextos similares: modos de vida tradicionales (agricultura, ganadería, caza) en zonas montañosas. Todos estos modos de vida han sufrido el éxodo rural de la segunda mitad del siglo XX y la atracción de la modernidad. La promoción del silbo no sólo es importante para las Islas Canarias, sino que esta lengua silbada es testimonio de formas de vida y tradiciones hoy amenazadas, si no extinguidas. Algunos historiadores creen incluso que el silbo fue hablado originalmente por los guanches, el pueblo indígena de las Islas Canarias, probablemente de origen bereber (https://fr.wikipedia.org/wiki/Guanches). Fueron asimilados por los colonos españoles a partir del siglo XV, y el silbo sería así uno de los escasos vestigios de su cultura desaparecida.